LIVRE


Éditions les Patriarches Dar al-‘Uns
4 rue des Patriarches – 75005 PARIS
patriarches@neuf.fr
Préface (extraits)
« ...Quelque chose d'essentiel s'est produit le jour où Simon Elbaz a touché les cordes du oud, le luth, composant et interprétant des chants en hébreu, en judéo-arabe et en français. C'est alors l'éveil, le chant de cette culture d'origine rendue à sa vérité, imprégnant sa personnalité, soutenant la tension de ses pouvoirs d'acteur-compositeur et d'écrivain. Double naissance, celle de Mchouga-Maboul et de l'auteur, une ville en est le lieu, Boujaad, petite ville marocaine dont le paysage traditionnel revit sous nos yeux avec ses personnages, la figure cardinale et représentative du fou inspiré porteur de messages, de mythes et de légendes. Mchouga-Maboul est l'homme désigné par le destin, par Dieu, habité par la vérité, il en est l'amant mystique, le Majdoub. Mendiant et pauvre, détaché de tout le bien matériel, Mchouga-Maboul est l'être errant, l'homme du voyage initiatique, parcourant, abolissant d'un pas incessant l'espace et le temps. Aveugle, il n'a d'autre lumière que sa vision. Son délire est l'excès de la vérité, débordant, tel un torrent, les garde-fous du conformisme. Il a fallu capter cet art oral et l'on sait que Mchouga-Maboul a été écrit au fur et à mesure des répétitions : " J'ai le sentiment de renouer avec une tradition orale, d'y retrouver des gestes simples : ceux de l'enfance, des rêves, de la mémoire, de témoigner de cette culture mosaïque et d'évoquer le temps où les communautés, juive, musulmane, européenne, cohabitaient en paix-chalom-salam ", écrit Simon Elbaz.. S'il y a une histoire de la folie, la folie le lui rend bien en faisant revivre la mémoire, en évoquant le passé sans être prisonnier, et si elle tourne vers ce qui est perdu, c'est pour s'ouvrir sur l'avenir : la folie est prophétique, visionnaire. C'est le sens et la valeur de l'exil qui toujours est porteur de l'annonce d'un retour... »
Edmond Amran EL MALEH.

Introduction:
« De la tradition orale du conte-halqa au théâtre contemporain »
« ...Cette œuvre théâtrale et littéraire représentative de la tradition judéo-arabe, unique en son genre, est construite autour d'événements historiques précédant l'Indépendance du Maroc. Anecdotes et traits d'humour savoureux, toujours très à propos et riches d'enseignements, plantent le décor d'un monde en mouvement à la fois bousculé et entraîné par la roue implacable de l'Histoire. Mchouga-Maboul s'inscrit dans le particulier issu de l'histoire du Maroc pour mieux s'ouvrir aux valeurs de l'universel.
Cette publication rend désormais possible une approche authentique de la réalité culturelle et cultuelle séfarade, immédiatement perceptible à travers le croisement des langues : français, arabe, hébreu. Poèmes, contes, chants et comptines, jeux de mots, expressions typiques en hébreu et en arabe transcrites en lettres latines et traduites en français, permettent une plus large accessibilité. Ainsi toute lectrice, tout lecteur, pourra mieux percevoir les mentalités et les parlers ayant cours dans cette tradition culturelle judéo-arabe.
Par ailleurs, cette œuvre est enrichie de glossaires récapitulant l'ensemble des mots et expressions utilisés en arabe, en hébreu, explicités et commentés permettant à la fois d'ouvrir de nouvelles perspectives artistiques, tout en offrant un précieux savoir d'anthropologie social et religieux prégnant dans la culture judéo-arabo-musulmane du Maroc, et plus généralement du Maghreb.
Au-delà du plaisir que l'on éprouve à la lecture de tout ouvrage bien écrit, et c'est le cas avec cette création de Théâtre-Conte Matrouz, gageons que tout lecteur/lectrice y trouvera en outre matière à réflexion, tant la parole libre de Mchouga, le fou du village, interpelle toute conscience. Car, face à une période clé de l'histoire bégayante de la décolonisation du Maroc, Mchouga, personnage central dans cette pièce, délivre, sans langue de bois, de puissants messages de vérité ainsi que des avertissements pertinents relatifs à des réalités sociales et politiques occultées. À l'aune de ce que nous savons aujourd'hui, les vives harangues de Mchouga, apparaissent prémonitoires, quasi prophétiques. Mais comme chacun sait, nul n'est prophète en son pays... »
Rachid AOUS, Éditeur.